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Le Vatican à La Havane 
 
 
A partir de la venue du pape, en 1988, Manuel Vasquez Montalban analyse le cheminement de la révolution.
 
 

ET DIEU EST ENTRÉ À LA HAVANE (Y Dios entro en La Habana) de Manuel Vazquez Montalban. Traduit de l'espagnol par Monique Beguin-Clerc et Jean-Pierre Clerc, Seuil, 576 p., 150 F (22,87 EURO ).

Depuis quelque temps, Vazquez Montalban (ses personnages Pepe Carvalho et Biscuter ayant pris leur retraite) se place sur un terrain indécis entre l'histoire immédiate, le journalisme d'investigation, le reportage, la narration de fables réalistes et l'essai politique, qu'il n'a jamais cessé de pratiquer. Dans Et Dieu est entré à La Havane, en plus d'analyser la rencontre historique entre deux "atlantes" que l'on aurait cru opposés, il passe en revue le cheminement parfois chaotique (Vazquez Montalban ne se prive pas de l'écrire) de la dernière révolution prétendument marxiste de notre époque.

En bon gastronome, l'auteur se réfère souvent à la métaphore de l'ajiaco. Ce plat national, qui mélange divers légumes, plusieurs épices exotiques et toutes sortes de fruits tropicaux, lui sert à expliquer la complexité de la situation politique et sociale de l'île, immédiatement avant et pendant la visite du chef de l'Eglise catholique à Cuba.

Ce livre est donc un reportage, une chronique et un recueil d'entretiens.

Avec ces ingrédients et une écriture tantôt directe, tantôt très élaborée, Vazquez Montalban construit une fresque des courants multiples qui façonnent la réalité cubaine après quarante ans d'une révolution qu'il n'approuve pas totalement, mais à laquelle il n'est pas hostile.

Il y a quand même deux grands absents dans l'éventail des interviewés rencontrés à Miami, en Espagne et tout au long des visites répétées dans l'île : apparemment ni Dieu, même pas à travers son représentant officiel sur terre, ni le Lider Maximo n'ont pu être approchés par l'auteur. Mais tous les deux sont omniprésents.

Dieu est entré à La Havane il y a un peu plus d'un an. Jusqu'alors la religion était à Cuba l'opium du peuple. Mais depuis, les discours des deux parties tendent à se rapprocher. Le mur de Berlin abattu et les régimes socialistes bannis, ni Cuba ni la théologie de la libération ne constituent de véritables dangers pour l'Eglise catholique. Elle peut critiquer le capitalisme féroce et prêcher la justice sociale, pourvu qu'on ne prône pas l'avortement et l'usage du préservatif.

Un échange de lettres avec le sous-commandant Marcos clôt ce livre. Les lettres abordent notamment les problèmes de la mondialisation et de la pensée unique. Vazquez Montalban, qui se proclame nihiliste actif, déguisé, pour le meilleur ou pour le pire, en socialiste scientifique, trouve peut-être dans le soulèvement zapatiste de nouvelles raisons d'espérer..

A peine le pape parti, Fidel est retourné à la quotidienneté révolutionnaire, qui consiste, en grande partie, à tirer sur le mors pour que la cavalerie de l'ouverture ne s'emballe pas. En juillet 1993, il avait juré de ne jamais pousser à une perestroïka. "C'est son style - conclut Vazquez Montalban - : envelopper les réformes dans le langage de la contre-réforme. Tout en repoussant verbalement toute velléité d'ouverture, il accepte en réalité des réformes qui, à la longue, seront capitales. De temps à autre, il donne un coup de frein à la jineteria, à l'emballement de la prostitution ; mais les portiers des établissements contrôlés, et parfois fermés, disent aux touristes frustrés : "T'inquiète pas, chef, ici tout est dialectique"."

Ramon Chao

 

Le Monde daté du 4.5.2001


 
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