On le voyait souvent l'appareil en bandoulière. Il avait même été
pendant une brève période (en 1955), à Mexico, photographe de rue.
Après sa mort, sa famille retrouva des tirages que le Che avait lui-même
sélectionnés. Déposés au Centre des études Che Guevara (La Havane),
certains font l'objet d'une exposition itinérante. Ils couvrent toute
sa vie d'adulte, notamment les années qui précédèrent son engagement
à Cuba et celles où, après le triomphe de la révolution dans l'île,
il parcourut le monde comme ambassadeur itinérant de la République
cubaine.
Les images originales, de très petit format, qu'elles soient en noir
et blanc ou en couleurs, ont été agrandies pour l'occasion. Avec
des résultats pas toujours très heureux, à rapprocher de ces films
tournés en 8 mm et "gonflés" pour une exploitation en
salles. On trouve dans ce choix des portraits et des autoportraits, des
paysages, des souvenirs de voyage, des vues de foules et des témoignages
sur l'industrialisation de Cuba : tubulures en gros plan,
canalisations, lampadaires, grues...
Se souviendrait-on du Che s'il n'avait laissé derrière lui que
cette poignée d'images ? Les aurait-on exposées sans le profil de
celui qui les a prises ? Ces questions n'ont guère de sens. Le
destin de Guevara est inscrit dans l'histoire du XXe siècle. Il se
trouve que l'homme, par goût personnel, s'est adonné à la
photographie. Qu'importe si le résultat n'est pas très différent de
celui d'un amateur moyennement doué. Plus de la moitié des images
montrées à Montpellier sont médiocres. Beaucoup relèvent du banal
cliché de vacances (les pyramides d'Egypte, un coucher de soleil dans
le désert) ou de l'inusable panoplie familiale (le fils et la fille du
Che en bas âge). Mais elles permettent de reconstituer un itinéraire :
adolescence en Argentine, voyages à travers le continent sud-américain,
luttes à Cuba, engagement au service de la révolution mondiale.
Ce qui transparaît à travers ces clichés, c'est le regard d'un
homme qui n'est pas toujours prisonnier de son engagement. Il y a aussi
ce goût assez vif pour l'autoportrait ou le déguisement. On voit ainsi
défiler plusieurs facettes de sa personnalité : Guevara jeune,
sans barbe mais avec cravate, artificiellement vieilli et chauve, coiffé
d'un chapeau et le visage dissimulé derrière des lunettes à grosses
montures. Sur l'une des photos (parmi les plus réussies graphiquement)
où il fixe en contrebas un bateau franchissant un canal, on aperçoit
une de ses jambes. Sur une autre, le visage rasé, il semble scruter son
double dans une glace, avec un rien d'angoisse dans les yeux. La photo
la plus soignée, prise en contre-jour, le montre en Tanzanie. Il est de
profil, le béret vissé sur la tête, un cigare aux lèvres. La pièce
où il est assis est envahie par la pénombre. C'est déjà une image de
légende.
Emmanuel de Roux
"Che Guevara photographe", la Galerie photo, esplanade
Charles-de-Gaulle, Montpellier (34). Tél. : 04-67- 60-43-11. Du
mardi au samedi, de 13 heures à 19 heures. Jusqu'au 5 octobre.
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