El Caballo ou les très extravagantes aventures de Pepin Vaillant |
Peut-être l’avez vous vu, hilare, sur l’affiche du film Cuba Feliz ou du moins avez-vous entendu sa trompette gracile et narquoise dans la Dolce Vita de Fellini, Jose Vaillant Fromenta dit Pepin nous a quitté en février de l’an passé. Natif de Santiago, y partageant les premiers pas d’Ibrahim Ferrer au sein du Conjunto Wilson puis électrisant les folles soirées de Casino de la Playa au cabaret Montmartre de La Havane avec son compère Dámaso Pérez Prado, le roi du Mambo, monté en graines dans les orchestres de Chepin ou de Felix Chapotin, c’est un tout jeune homme, musicien déjà chevronné, qui embarque pour l’Italie à la fin des années quarante dans la troupe d’une revue somptueuse. Son expédition européenne s’étendra sur près d’une quinzaine d’années. Saisonnier migrateur des pupitres, il musarde entre Cinecitta et le Moulin Rouge à Pigalle. Il se taille une morale de seigneur à la table des hommes d’honneur de la mafia corse d’époque, celle des night-clubs et des casinos. Du côté de Cadix, assidu des peñas gitanes, il forge le style particulier de ses chorégraphies. C’est que l’ami Pepin, l’exubérant Pepin, l’invétéré fêtard à la gaieté contagieuse, aux amours vagabondes, s’applique tout au long de son périple à parfaire sa science du spectacle. Avec la même constance qu’il consacre à la maîtrise du souffle selon les préceptes du yoga tantrique, il travaille la danse et le chant. Il se veut showman accompli, se rêve en meneur de revue. Entamée à l’Eléphant Blanc, haut lieu interlope des nuits parisiennes, cette carrière sous les feux de la rampe flambe avec El Caballo. Entouré de jazzmen espagnols et d’une jeune garde new-yorkaise il sillonne alors le continent sous ce surnom gagné dans les réjouissances andalouses. Le succès sourit, l’ONU l’invite, la nostalgie le visite au Congo ; il veut revoir sa mère et son île, il retourne à Cuba en 63. Reçu, reconnu il embauche comme fantaisiste émérite délégué à la rigolade populaire bientôt promu ambassadeur de charme auprès des pays frères et des partis affiliés. Il entraîne un big band, s’entoure de danseuses qu’il initie au flamenco mais c’est surtout son duo avec Tabaquito, le percussionniste excentrique de Beny More qui marquera les esprits. Il déploie des ballets aux mesures du Tropicana, l’immense music hall en plein air de La Havane et le clown gagne les cœurs. En 75, un accident, à Bruxelles, qui lui laisse la bouche en charpie, l’éloigne des scènes. On le croit perdu pour la trompette. Il s’accroche, s’acharne, travaille dans son coin un numéro qui va en faire un pilier du cabaret de l’Hôtel Internacional à Varadero, un familier des patios les plus chics de la presqu’île de sable blanc. A l’heure de la retraite il revient à Santiago dans le quartier de son enfance où il réjouit ses voisins de table des mille tours du baladin. Le film de Karim Dridi lui vaut un dernier tour de piste et la joie de revoir Paris. Si le fabuleux destin de Pepin Vaillant vous intéresse vous en trouverez une plus ample évocation illustrée par l’affichiste santiaguero Luis Henrique Hernandez Giannitelli sur http://www.pepin.amigos.ch/ Mes meilleurs vœux vous accompagnent Pierre Henry 14.2.2002 |