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Le mérite de Ry Cooder, c'est d'avoir donné à des
"anciens" comme Ibrahim Ferrer ou Rubén González la possibilité
de se produire de nouveau sur scène et d'enregistrer, alors qu'il
ne jouaient plus depuis plusieurs années et qu'ils étaient
considérés comme des vestiges d'un passé révolu.
Et effectivement, ces "pappys" sont les représentants d'une grande
tradition de la musique cubaine que l'on redécouvre actuellement.
Politiquement, ce n'est sans doute pas innocent, car la dénonciation
du régime castriste, surtout aux Etats-Unis, s'accompagne souvent
d'une exaltation des valeurs, notamment artistiques, de l'époque
pré-révolutionnaire (et même chez nous, où Zoé
Valdés, dans "Te di la vida entera" - traduit en français,
sous le titre "La douleur du dollar" - ou "Café Nostalgia", fait
constamment référence à ce passé musical).
Musicalement, ce film est un régal. Pour moi, la révélation majeure, c'est le pianiste Rubén González, qui ne jouait plus depuis dix ans, qui a eu ainsi la possibilité d'enregistrer son premier disque, et qui, cette année, a été invité au prestigieux festival de piano de La Roque d'Anthéron, ce qui n'est pas la moindre des consécrations. En ce qui concerne Compay Segundo, son cas est un peu particulier, car après une éclipse de plusieurs décennies, sa carrière avait trouvé, indépendamment de l'expérience de ce film, un second souffle en Europe, principalement en Espagne et en France. Il faut dire que Francisco Repilado (Compay Segundo) est une personnalité exceptionnelle et qu'il y a chez ce nonagénaire une vitalité, une joie de vivre et une philosophie qui vont bien au-delà de ses talents musicaux. Ce qui m'a déplu par contre, c'est le parti pris de Wim Wenders de surexposer constamment son film, ce qui donne à La Havane des couleurs fausses, sans doute dans le but d'accentuer le dépaysement et l'aspect figé de cette ville où l'on a dit que le temps s'était arrêté, mais où la lumière est superbe. Je pense que c'est une erreur d'avoir ainsi forcé la note et qu'il eût été plus juste de montrer la réalité telle qu'elle est, le contraste entre la luminosité ambiante et la tristesse des bâtiments délabrés parlant d'elle-même. |