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Mis à jour le jeudi 30 mars 2000
GRAND AMI de Fidel Castro et
Prix Nobel de littérature (1982), l'écrivain colombien Gabriel
Garcia Marquez a pris la plume pour défendre la cause du petit naufragé
cubain, telle qu'on la voit, du moins, de l'autre côté du
détroit de Floride. Dans un texte publié par plusieurs quotidiens,
et notamment le New York Times du mercredi 29 mars, l'écrivain
relate le naufrage du bateau sur lequel se trouvaient Elian, sa mère,
Elizabet, le compagnon de sa mère et organisateur du voyage, Lazaro
Munero, et onze autres personnes. Il a interrogé le père
d'Elian, recueilli les témoignages d' « informateurs »
à Cuba. Son récit corrobore en grande partie les enquêtes
déjà publiées dans la presse américaine, qui,
quelques semaines après le naufrage, avait réussi à
retrouver les deux autres survivants du naufrage, arrivés à
Miami peu de temps avant Elian.
Selon ces comptes-rendus, le groupe
de quinze Cubains a embarqué le 21 novembre 1999 à l'aube.
Deux enfants étaient à bord : Elian, et une petite fille
de cinq ans, Estefani, dont la mère Arianne Horta, vingt-deux ans,
avait aussi décidé de quitter Cuba avec son compagnon, Nivaldo
Fernandez, un chef cuisinier dans un grand hôtel touristique. Les
autres passagers étaient des membres de familles amies, les Muneros
et les Rodriguez. Le bateau était une embarcation en aluminium de
moins de 6 mètres de long. Gabriel Garcia Marquez apporte d'utiles
précisions sur les « embarcations illégales »
qui servent aux fugitifs cubains de la région de Cardenas. Elles
sont fabriquées à partir des tuyaux d'aluminium que l'on
utilise pour l'irrigation des plantations de citronniers, dit-il. Trois
chambres à air, seulement, étaient à bord, en guise
de bouées de sauvetage.
TROIS SURVIVANTS
D'entrée, le moteur est tombé
en panne. Il a fallu rebrousser chemin. Arianne Horta a alors décidé
que le voyage s'annonçait trop périlleux. Elle a préféré
laisser sa fille Estefani derrière elle, à la garde de sa
grand-mère. Ironie du destin, la mère est l'une des trois
survivants. Et elle est aujourd'hui à Miami, séparée
elle aussi de son enfant, qui ne peut pas quitter Cuba. Après avoir
repris la mer, le 22 novembre, les clandestins ont affronté la tempête.
Leur embarcation prenait l'eau. Ils ont écopé avec des sacs
de nylon. Puis le bateau s'est retourné, selon Garcia Marquez, lorsque
les passagers ont tenté de se débarrasser du moteur pour
alléger l'embarcation. Ce n'est pas la version des rescapés,
qui n'évoquent que la panne. Les naufragés ont tenté
de se raccrocher aux chambres à air. Elizabet, la mère d'Elian,
avait vingt-huit ans. Elle ne savait pas nager. Elle travaillait dans un
hôtel de Varadero, la grande station touristique cubaine.
Après plusieurs heures, certains
naufragés, déshydratés, ont commencer à délirer
et à nager vers les lumières qu'ils croyaient apercevoir.
Selon les déclarations des deux autres survivants au Wall Street
Journal, plusieurs bateaux sont passés à proximité,
pendant cette première nuit à la dérive, sans les
apercevoir. Elian « n'a pas pleuré une seule fois. Il réclamait
juste de l'eau et du lait », a raconté Nivaldo Fernandez.
Puis les chambres à air se sont séparées et les naufragés
ont passé une deuxième nuit en mer.
Le 25 novembre, le matin de Thanksgiving,
Arianne Horta et son compagnon ont réussi à nager jusqu'à
Key Biscayne, à 160 kilomètres de Cuba, après cinquante
heures passées à la dérive. A l'hôpital de Miami,
Nivaldo Fernandez a informé la police qu'il pourrait y avoir d'autres
survivants. On lui a montré la photo d'Elian. L'enfant avait été
recueilli par deux pêcheurs alors qu'il dérivait, seul, dans
sa bouée, à 5 kilomètres de la côte. Il était
insconscient et brûlé par le soleil.
Le même jour, le père
d'Elian, Juan Miguel Gonzalez, a reçu un coup de fil d'un médecin
de Miami. Le petit garçon avait réussi à donner le
nom de son père et son numéro de téléphone
à Cardenas, le lendemain, le père a pu parler à son
fils. Elian lui a alors dit qu'il avait vu sa mère disparaître
dans la mer. Il s'est plaint aussi qu'il avait perdu son sac à dos
et son uniforme scolaire. Le père l'a rassuré. Il avait toujours
le sac et l'uniforme, à la maison, a-t-il dit.
C. L.
Le Monde daté du vendredi
31 mars 2000 |