Tourisme toute ! Depuis la chute
du Mur et la fin des échanges avec l'URSS, le gouvernement cubain en a fait la
locomotive de son économie. Fidel Castro a profité de la visite du président
chinois, fin avril, puis de sa tournée internationale pour inciter à nouveau
les pays amis à investir dans ce secteur, déjà phagocyté par les capitaux
étrangers. Et Cuba amorce toujours plus la pompe à dollars : l'île, qui a
reçu 200 000 visiteurs en 1987, pense atteindre les 2 millions cette année, et
en espère 10 millions, soit à peine moins que la population cubaine actuelle,
pour 2010.
Le ministère du tourisme a annoncé, le 1er mars, la
construction de 55 000 chambres d'ici cinq ans, soit autant qu'au cours des dix
dernières années. De luxueux complexes hôteliers germent le long des plages,
tendant à remplacer les barres inesthétiques des années 1950. Quelques
catastrophes écologiques sont à prévoir : les 10 000 chambres envisagées sur
le Cayo Santa Maria, îlot paradisiaque du Nord, auront sans doute raison des
quelques iguanes qu'on y croise encore. Les autres décalés
Dans les vieilles villes, la réfection des hôtels et
demeures de l'époque coloniale va bon train, tandis que les quartiers
populaires n'en finissent pas de décrépir. Si les "casas
particulares", chambres chez l'habitant, ont été autorisées en 1994,
elles sont lourdement taxées et interdites en certains lieux, notamment la
très fréquentée péninsule de Varadero, afin de ne pas concurrencer les
établissements gérés par l'Etat.
Partout, les sites naturels sont mis à profit. Même loin de
toute agglomération, plages, cascades et sentiers sont précédés de parkings
payants, buvettes et gardes chargés de percevoir un droit d'entrée. Le
touriste étonné des montants et de leur rapide inflation se voit répondre
qu'ils sont fixés et perçus par l'Etat. Lequel a cru bon de créer des centres
d'intérêt là où ils manquaient : à Vinales, le "Mur de la
préhistoire" se révèle une fresque récente et criarde, commandée par
le gouvernement afin d'attirer les visiteurs.
Le voyage en terre révolutionnaire réserve encore quelques
surprises. La police, omniprésente au prétexte de protéger les touristes des
rabatteurs ou prostituées, n'éloigne pas ceux-ci mais freine les rencontres
avec la population. Malvenu dans les lieux qui ne lui sont pas dédiés, le
visiteur est obligé de tout payer en dollars, soit vingt fois plus cher que les
Cubains. A l'inverse, les Cubains se voient interdire l'accès aux sites voués
au tourisme international. A moins d'y travailler, pour des salaires de
misère... Car les devises des capitalistes ne sauraient profiter qu'à l'Etat
socialiste.
Claire Ané