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 En crise, La Havane cherche à normaliser ses relations avec Washington

La Havane de notre envoyé spécial
 
 

Tout en réaffirmant le caractère "irrévocable" du socialisme cubain, Fidel Castro s'est une nouvelle fois prononcé en faveur d'une normalisation des relations cubano-américaines. Dans un discours prononcé le 26 juillet à Ciego de Avila, à 600 kilomètres à l'est de La Havane, le leader cubain a salué le vote de la Chambre des représentants, qui a approuvé la semaine dernière trois mesures visant à alléger l'embargo américain contre Cuba. "Je veux exprimer la gratitude de notre peuple tant à l'égard des législateurs démocrates que républicains qui ont agi avec intelligence, indépendance et fermeté", a déclaré Fidel Castro, à l'occasion du 49e anniversaire de l'attaque de la caserne Moncada de Santiago, célébrée comme le point de départ de la révolution cubaine.

"Peu importe que l'exécutif oppose son veto à ces mesures, comme il l'a annoncé, nous serons toujours reconnaissants pour ce geste. J'ai toujours dit que le peuple nord-américain, de nature idéaliste en raison de ses valeurs éthiques et de ses traditions de défense de la liberté, serait un jour l'un des meilleurs amis du peuple cubain", a insisté le Lider Maximo devant plusieurs dizaines de milliers d'habitants de Ciego de Avila, qui agitaient de petits drapeaux cubains. La Chambre des représentants a voté mardi 23 juillet la levée des restrictions aux ventes américaines de nourriture et de médicaments à Cuba. Les législateurs se sont aussi prononcés en faveur de l'assouplissement des dispositions interdisant aux touristes américains de se rendre dans l'île communiste et limitant les transferts de fonds envoyés par les émigrés à leurs familles.

Le développement des échanges commerciaux avec le grand voisin du Nord et l'afflux de touristes américains apporteraient une bouffée d'oxygène à l'économie cubaine, dont Fidel Castro n'a pas caché qu'elle traverse une passe difficile. A la suite des dévastations causées par le cyclone Michelle en novembre 2001, les Etats-Unis ont vendu à Cuba des produits alimentaires pour une valeur dépassant 115 millions de dollars. Pour la première fois depuis quarante-deux ans, les Cubains peuvent croquer des pommes américaines, revendues 1 dollar l'unité dans les commerces qui ne sont accessibles qu'aux détenteurs de billets verts. Tant les autorités cubaines que le lobby agricole américain souhaitent amplifier ces échanges, et plus d'une centaine de compagnies américaines ont manifesté le désir de participer à une foire agroalimentaire à la fin septembre à La Havane. Mais la Maison Blanche s'oppose fermement à l'octroi de crédits américains pour financer les exportations alimentaires vers Cuba.

Fidel Castro a reconnu que la baisse du tourisme provoquée par "le coup dévastateur de l'attaque terroriste contre les tours jumelles" et "les bas prix du sucre et du nickel", les deux principaux produits d'exportation cubains, ont sévèrement affecté l'économie de l'île, dont la croissance a ralenti à 3 % en 2001 après avoir connu des taux proches de 6 % en 1999 et 2000.

Agé de 75 ans, l'air de plus en plus fatigué, le leader cubain a limité la durée de ses discours, depuis le malaise dont il a été victime le 23 juin 2001 lors d'un meeting dans la banlieue de La Havane. A Ciego de Avila, il n'a pas résisté au plaisir de commenter les prédictions de ceux qui annonçaient, il y a plus de dix ans, "l'effondrement du dernier Etat socialiste de l'Occident, Cuba". Prenant la défense des retraités américains aux revenus amputés par la fonte des fonds de pension, Fidel Castro n'a pas eu de mal à trouver dans l'actualité récente de quoi nourrir son discours aux accents de Cassandre sur "l'inéluctable crise de la mondialisation néolibérale".

Jean-Michel Caroit

Le Monde daté du 31.7.2002


 
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