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 Mort du chanteur cubain populaire Polo Montañez


 "Cuba ne me perdra jamais", déclarait à La Havane il y a quelques mois le chanteur Fernando Borrego Linares, connu sous le nom de Polo Montañez.
 
 
 

Dans Guajiro natural, la chanson titre de son premier album, évoquant ses voyages à l'extérieur de l'île qui désormais rythmaient sa nouvelle vie d'artiste, il chantait : "Je peux bien prendre un avion, toujours je reviendrai." Une manière de faire savoir l'attachement indéfectible qu'il vouait à son pays, à la campagne où il avait grandi. Cuba l'a perdu autrement, définitivement, mardi 26 novembre à 23 h 20 à l'hôpital militaire Carlos J. Finlay de La Havane. Grièvement blessé dans un accident de voiture survenu une semaine plus tôt, entre la capitale et son domicile de San Cristobal, dans la province de Pinar del Rio, en compagnie de sa femme, également grièvement touchée, et du fils de celle-ci, tué sur le coup, "Polo" – tout le pays l'appelle ainsi –, est mort des suites de ses blessures à l'âge de 47 ans.

CHALEUREUX, SIMPLE, DIRECT

 

"C'était l'un des représentants les plus charismatiques de la musique populaire cubaine actuelle", a écrit Granma, l'organe officiel du Parti communiste cubain, dans son édition du 27 novembre. Né le 5 juin 1955, Polo Montañez (Polo des montagnes) a grandi en accompagnant son père dans les fêtes de village, les anniversaires, jouant de la tumbadora, des maracas, de la marimbula. Sa première chanson, "écrite pour une amoureuse imaginaire", il l'a composée à 13 ans.

En 1999, sa vie va prendre un autre sens, dans un restaurant, situé à Las Terrazas, un site touristique très fréquenté par les Cubains, tout près de l'endroit où il est né, une région de collines boisées à une soixantaine de kilomètres de La Havane. Le producteur français d'origine cap-verdienne, José Da Silva, directeur du label Lusafrica (Cesaria Evora, Orquesta Aragon, Sally Nyolo), y est de passage et l'entend chanter. Séduit par l'homme, chaleureux, simple et direct, autant que par ses chansons, un répertoire composé de sones, boléros, guajiras et guaguancos, il lui fera enregistrer un album à La Havane, Guajiro natural.

PROTOTYPE DE L'ANTISTAR

Une copie arrive jusqu'à une radio de Bogota, via MTM, la compagnie distributrice de Lusafrica en Colombie. Les auditeurs colombiens plébiscitent du jour au lendemain le chanteur cubain et se précipitent sur son disque. Le succès se propage aux pays de la région, Equateur, Venezuela, Panama, Mexique, puis finit par ricochets à atteindre Cuba. En quelques mois, Polo Montañez devient la coqueluche de tous les Cubains. Les radios jouent son album en boucle, les chauffeurs de taxi ont sa cassette à portée de main. Au mois d'avril de cette année, il effectue une tournée dans toutes les provinces de l'île, se produisant à chaque fois devant des dizaines de milliers de personnes.

En octobre, il vient en France pour présenter son deuxième album, Guitarra mia. Dans la salle bondée du New Morning, à Paris, Cesaria Evora est là. Polo Montañez avait beaucoup de choses en commun avec la chanteuse cap-verdienne. Des qualités d'humilité, de générosité, une absence de faux-semblant, une déroutante simplicité qui, à Cuba, ont participé à déclencher l'enthousiasme de tout un peuple. Chanteur et auteur-compositeur de chansons sentimentales, Polo Montañez était le prototype de l'antistar.

Patrick Labesse

Le Monde daté du 29 novembre 2002


 
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