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Origen
Modernisme
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     Litérature
     Dix-neuvième siècle

 

Parmi les personnalités littéraires qui côtoyèrent le mouvement moderniste sans s’y rattacher, le Cubain José Martí (1853-1895) occupe une place éminente. Engagé dès avant l’âge d’homme dans la lutte pour l’indépendance de son île natale, il succomba prématurément à la répression espagnole, non sans avoir prodigué ses talents de polémiste, d’orateur et de poète, simple et grand, au service de son idéal politique.
Or, le modernisme, dans sa première phase, n’entendait servir d’autre fin que l’art littéraire. C’est pour en préserver la pureté que ses pionniers, tels Manuel Gutiérrez Najera (mexicain, 1859-1895), José Asunción Silva (colombien, 1865-1896), Herrera y Reissig (uruguayen, 1875-1910) et le Nicaraguayen Rubén Darío (1867-1916) qui s’affirma bientôt comme chef de file, menèrent à leur façon le combat. D’abord, sur le plan philosophique et moral, contre le positivisme et l’utilitarisme, donnant le primat aux valeurs matérielles. Ensuite, sur le plan littéraire, contre le prosaïsme réaliste ou naturaliste, contre l’art social et politicien.
Mais, par-delà ces refus, il est difficile d’évaluer l’apport positif d’un mouvement où se sont affirmées des tendances fort différentes ou même opposées. Pour s’en tenir à Darío, on trouve successivement dans son œuvre : l’aspiration cosmopolite à l’universel et l’affirmation d’un patriotisme latino-américain ; une religion de la beauté pure et des velléités d’art humanitaire ; un sensualisme païen et des retours intermittents au spiritualisme chrétien ; une volonté déclarée de novation et la contestation du progrès dans tous les domaines étrangers à l’art, tenu pour la valeur suprême.
De même, le modernisme à la Rubén Darío s’est abreuvé aux sources les plus diverses : la Grèce antique (dont la Vénus de Milo lui paraissait le plus haut symbole) ; la France des « fêtes galantes » (Watteau et Verlaine) ; et même, plus rarement, les légendes indo-américaines (que l’on se réfère, par exemple, à Tutecotzimi  et à la préface des Prosas profanas ). Incontestable musicien du verbe, il a renouvelé la versification espagnole, y introduisant non seulement l’alexandrin à la française mais le vers non rimé, le vers libre, alors que ces « nouveautés » n’en étaient déjà plus en Europe. Bref, le modernisme n’a rien apporté de foncièrement nouveau à la littérature générale ; c’est un éclectisme, essentiellement nourri d’éléments européens, surtout français. Mais son indéniable importance tient principalement à deux faits : tendant à se confiner dans leurs activités d’écrivains, les modernistes ont instauré en Amérique hispanique un professionnalisme littéraire pour ainsi dire inconnu avant eux ; leur apogée coïncidant avec une époque de stagnation relative en Espagne, ils imposèrent dans ce pays le prestige des littératures américaines, qui jusqu’alors y étaient tenues en mépris ou en suspicion. Bientôt, Darío fut salué comme un chef d’école poétique par l’Espagne même.
À peine moindre fut l’autorité que s’acquit dans le monde hispanique le prosateur uruguayen José Enrique Rodó (1875-1917), communément tenu pour le « penseur » du groupe moderniste. Dès son fameux Ariel  (1900), il entreprenait d’en expliciter l’idéal diffus : l’appel à une élite de l’intelligence et la protestation contre une société bassement mercantile fondée sur le modèle nord-américain. À ses déclamations contre les yankees fit écho le poème A Roosevelt  (1905), de Darío. Et les Espagnols d’applaudir. Après l’an néfaste de 1898, une commune haine des États-Unis avait achevé de réconcilier le monde hispano-américain et l’ancienne métropole. 

 Le XXe siècle
Les poètes postmodernistes
Le cygne, cher à Darío (à l’égal de la couleur bleue), était devenu son symbole. En condamnant à mort ce volatile de très verlainienne façon, dans un sonnet de 1911, le poète mexicain Enrique González Martínez (1871-1952) appelait ses pairs à l’insurrection. Le modernisme n’en poursuivit pas moins sa carrière en divers pays, mais il n’y régna plus sans conteste. En Argentine, par exemple, l’œuvre d’un Leopoldo Lugones (1874-1938) ou celle d’un Enrique Banchs (1888-1968) atteste sa vitalité. Mais dès la fin de la Première Guerre mondiale, d’autres mouvements poétiques s’y dessinaient. L’un des plus subversifs devait être, dans les années vingt, l’« ultraïsme », importé d’Espagne par l’Argentin Jorge Luis Borges (1899-1986), qui ne tarda d’ailleurs pas à désavouer cette erreur de jeunesse.
Parallèlement apparaissaient : au Chili, le « créationnisme » de Vicente Huidobro (1913-1948) ; au Mexique, le « stridentisme » ; ailleurs, d’autres « écoles » d’avant-garde, aussi éphémères que prétentieuses, parmi lesquelles ne manquaient pas les théories d’« a-littérature » ou de poésie délibérément « anti-poétique ». Les vrais tempéraments échappèrent à ces pédanteries, ou ne tardèrent pas à s’en déprendre. Dans le nombre, quelques génies féminins : Juana de Ibarbourou (Uruguay, 1895-1979), Gabriela Mistral (Chili, 1889-1957). La seule influence européenne notable est celle du surréalisme, qui s’accompagne souvent de tendances communistes, trotskistes ou socialisantes. En relèvent, à des degrés divers, les déchirements de César Vallejo (Pérou, 18931957), les musiques afro-américaines de Nicolás Guillén (Cuba, 1902-1989), les recherches d’Octavio Paz (Mexique, né en 1914) l’enthousiasme panique de Pablo Neruda (Chili, 1904-1973). Rares sont les œuvres qui ne doivent rien aux idéologies de gauche, comme celles d’Alfonso Reyes (Mexique, 1889-1959) ou, dans sa seconde et classique manière, celle de Jorge Luis Borges. En tout état de cause, le meilleur de Rubén Darío mis à part, c’est dans le crépuscule du modernisme que la poésie de l’Amérique hispanique a fini par trouver ses accents les plus convaincants.

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