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L'aventure cubaine de l'inclassable Luc Le Masne

LE MONDE | 07.03.01 | 14h24

 

 
 
 
 

 Le Manacuba, nouvel orchestre du compositeur, joue en région parisienne.
Concerts : L'Apostrophe - Théâtre des Louvrais, Pontoise (Val-d'Oise), le 9 mars. Tél. : 01-34-20-14-14. Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), les 10 et 11. Tél. : 01-46- 61-36-67. La Cigale, Paris, le 12. Tél. : 01-49-25-89-99.
 
 
 

Dans les années 1980, le jazz en France comptait une dizaine de grands orchestres créatifs. A leurs têtes, Martial Solal, Denis Badault, Laurent Cugny, François Jeanneau, Antoine Hervé ou Luc Le Masne, compositeur et fondateur de Bekummernis, nom emprunté à la cantate 21 de Bach, Ich Hatte viel Bekummernis. Une aventure singulière par sa taille (une trentaine de musiciens), son instrumentation non canonique (bois et percussions en nombre), ses allers et venues dans le jazz, la chanson et la musique contemporaine. Classement au rayon " inclassable ".

On pouvait y entendre une manière de faire sonner l'orchestre vocalement, rappel des premiers pas musicaux de Le Masne (né le 26 mai 1950) dans des chœurs, un mélange des codes inventif, l'écoute de cultures d'ailleurs, en particulier du monde latino, que son nouvel ensemble Le Manacuba affirme. Un orchestre franco-cubain que va découvrir la région parisienne après Cuba.

" On n'a jamais bien su me situer, constate Luc Le Masne. A l'âge de vingt-trois ans, j'ai été littéralement appelé par le saxophone au travers d'Archie Shepp, Sonny Rollins, Ornette Coleman ou Albert Ayler. J'ai arrêté médecine et suis parti en Europe en jouant un peu partout. De retour en France, j'ai participé à des groupes de rue, des fanfares, des collectifs d'improvisation, de rock. Mais pas vraiment en soliste sur le devant de la scène. Dans le jazz, c'est une position moins repérable. En ce qui concerne l'écriture, j'ai appris par mes erreurs, au coup par coup, en fonction des besoins de mes orchestres, pas par l'école théorique. "

C'est à la fin des années 1970 que Le Masne met en place Bekummernis.Il bénéficie de ses premières commandes, dont celle de l'Etat lors du centenaire de la naissance de Fernand Léger, en 1981. Plusieurs enregistrements deviendront des références de l'écriture orchestrale. Bekummernis disparaîtra en 1992. Trop lourd à gérer, trop coûteux. " J'y avais mis énormément. Je voyais Beku comme une histoire sans fin. Le public était là, le regard critique nous était très favorable. Un temps je me suis refermé. "

TROIS ANS DE TRAVAIL

Luc Le Masne passe à une forme plus légère, Terra Nova. On y retrouve des anciens de Bekummernis, des jeunes solistes devenus importants sur la scène actuelle : la clarinettiste Catherine Delaunnay, le saxophoniste et clarinettiste Laurent Dehors, le batteur François Merville, le guitariste David Chevallier, le vibraphoniste Vincent Limouzin... Autre histoire arrêtée. Puis c'est un ensemble vocal, Anima, avant l'écriture d'un opéra, Les Marimbas de l'exil, grâce à une bourse de la Villa Médicis. Le Masne découvre le Mexique et l'histoire de la fondation de la ville de San Rafael par des viticulteurs venus de Franche-Comté, argument de cet opéra.

Un voyage à La Havane, en 1997, ramène l'envie de diriger une grande formation. " Du temps de Bekummernis, le trompettiste Guillermo Fellove envoyait mes disques à Cuba. Ils étaient étudiés par les musiciens. Bebo Valdes, le père de Chucho, qui a fondé Irakere, m'avait écrit qu'il entendait dans ma musique ce qu'il aurait eu envie de réaliser, la souplesse dans les mesures impaires, les racines européennes, le lien à l'expression populaire. " A Cuba, la logistique, les structures, l'administration apprennent la patience. Trois ans de travail et de négociations seront nécessaires avant la création du répertoire en public, en juin 2000, à La Havane et à Matanzas.

Le Masne a emmené des musiciens français sur l'île et a trouvé sur place des solistes enthousiastes et bosseurs, pour qui l'orchestre n'était pas uniquement la promesse d'un bon cachet. A l'Instituto Superior de Arte de La Havane, Le Masne recrute aussi de jeunes instrumentistes d'un " niveau phénoménal ". Près de trente musiciens, moitié Français, moitié Cubains, forment, après quelques remaniements, la troupe de cette Manacuba festive et raffinée, étrangère aux modes qui ont mis la musique cubaine à toutes les sauces. " J'espère faire vivre cet orchestre au moins quelques semaines par an, explique Le Masne. Mais c'est clairement le dernier projet de cette envergure que je monte. " Pourtant, dans ses cartons il reconnaît avoir les premiers jets d'une symphonie.

Sylvain Siclier

Le Monde daté du 7 mars 2001


 
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