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 Jimmy Carter arrive à Cuba à un moment de crispation entre Washington et La  Havane

La Havane de notre envoyé spécial
 
 
 

L'ancien président américain Jimmy Carter a été chaleureusement accueilli, dimanche 12 mai, à La Havane par Fidel Castro qui avait troqué son habituel treillis militaire pour un costume sombre. La bannière étoilée ondulant à côté du drapeau cubain et l'hymne américain accueillant le plus important dignitaire américain reçu à Cuba depuis la révolution castriste de 1959 ne pouvaient faire oublier que les relations entre les deux pays traversent une nouvelle période de tension.

"Ce n'est un secret pour personne que durant près d'un demi-siècle les relations entre nos deux Etats n'ont pas été les meilleures et cela continue", a constaté le président cubain dans un bref discours à l'aéroport. Il a salué le "courage méritant le respect" de Jimmy Carter, qui, durant son passage à la présidence, "en pleine guerre froide et dans les profondeurs d'une mer de préjugés, de désinformation et de méfiance réciproques", s'est efforcé d'améliorer les relations bilatérales en acceptant l'ouverture de représentations diplomatiques à Washington et à La Havane et en autorisant les citoyens américains à se rendre à Cuba, "mesure qui a malheureusement été suspendue ultérieurement".

"Notre invitation n'obéit pas à une manœuvre habile ou à un intérêt politique mesquin", a affirmé le leader cubain, qui a garanti à son hôte une totale liberté d'expression et de mouvement. "Nous faciliterons la communication avec notre peuple afin que vous puissiez exprimer tout ce que vous désirez, que nous soyons d'accord ou non, et nous ne nous sentirons pas offensés si vous contactez ceux qui ne partagent pas nos luttes", a poursuivi Fidel Castro. Une conférence que doit prononcer, mardi soir, Jimmy Carter à l'université de La Havane sera retransmise en direct par la télévision et la radio cubaines. C'est la première fois depuis la visite historique du pape Jean Paul II en janvier 1998 qu'une personnalité étrangère a ce privilège. Fidel Castro a également offert à son invité "un accès libre et total" aux centres de recherche scientifique, "dont certains ont été accusés récemment de produire des armes biologiques".

"RESPECT MUTUEL"

Accompagné de son épouse et d'une délégation du Centre Carter, qui, a-t-il rappelé, promeut la paix, les droits de l'homme et la démocratie, l'ancien président américain a répondu qu'il venait, "comme ami du peuple cubain, voir les réalisations en matière de santé, d'éducation et de culture, mais aussi rencontrer des représentants d'organisations religieuses et d'autres groupes". Il n'a pas caché qu'il avait avec son hôte "des divergences sur certains sujets", tout en se disant prêt "à identifier des points de convergence et de coopération".

Tout en insistant sur le caractère privé de la visite, les autorités cubaines réservent à Jimmy Carter un traitement digne d'un chef d'Etat. "Nous partageons le souhait que les relations entre nos deux pays se normalisent sur la base du respect mutuel", a souligné le ministre des relations extérieures, Felipe Perez Roque, à l'issue d'une heure d'entretien avec l'ancien président américain.

Pour Jimmy Carter, ce voyage représente un défi difficile. Critiqué par l'aile dure de l'exil cubano-américain, qui a tenté de le dissuader de venir dans l'île communiste sous prétexte que son voyage favoriserait l'image de Fidel Castro, Jimmy Carter doit rencontrer les principaux leaders de la dissidence jeudi, la veille de son départ. La Maison Blanche a souhaité qu'il aborde ouvertement la question des droits de l'homme et de la démocratisation. La Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), le plus important groupe d'exilés basé à Miami, lui a demandé d'évoquer le projet Varela, cette pétition lancée par les dissidents pour obtenir un référendum sur la démocratisation (lire l'entretien ci-dessous), lors de son discours qui sera retransmis à la radio et à la télévision.

"Cette visite ne va pas provoquer de miracle. Jimmy Carter, en homme politique réaliste, le sait. Elle peut avoir un impact positif sur les relations bilatérales, mais je ne pense pas que le gouvernement cubain change sa position immobiliste concernant les réformes démocratiques dont le pays a besoin", anticipe le président de la Commission cubaine des droits de l'homme et de la réconciliation nationale (CCDHRN) et l'un des principaux porte-parole de l'opposition modérée, Elizardo Sanchez. "Les relations bilatérales ne peuvent être pires. Dernièrement, la rhétorique hostile a augmenté et le gouvernement cubain s'est crispé face aux attaques de Washington. Les deux gouvernements devraient profiter de cette visite pour détendre l'atmosphère", ajoute Elizardo Sanchez.

Durement frappée par la crise économique accentuée par la chute du tourisme, la population n'a appris la visite de Jimmy Carter qu'à la veille de son arrivée, par un bref article publié dans l'organe officiel du Parti communiste cubain, Granma. Dimanche, les Cubains paraissaient plus préoccupés par la recherche de quelques dollars pour célébrer la fête des mères que par l'arrivée de l'ancien président américain.

Jean-Michel Caroit

Le Monde daté du 14 mai 2002


 
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