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Parcourant
les rues de La Havane, j'imaginais cette ville en 1930, au moment où
García Lorca la visita. J'essayais de remonter le temps en effaçant
les marques de délabrement, en masquant les vestiges de la négligence
et les traces de la misère. Je m'efforçais de redonner à
la ville son lustre et ses couleurs, de la voir telle que l'ont vue les
yeux du poète. Que cette ville pourrait être belle! Comme
elle l'a été ! Combien de temps ses trésors
uniques se conserveront-ils ? Combien de temps durera le souvenir
de ses charmes estompés ? La Havane est une ville fantôme.
La Havane est une ville en péril. Si aucune action importante n'est entreprise rapidement, d'ici un siècle il ne restera pratiquement rien de ses beautés irremplaçables. Certains penseront que j'exagère. D'autres - meilleures connaisseurs de la situation - trouveront trop optimiste le délai que je fixe. Mais, dans l'ensemble, je pense être assez réaliste dans mon évaluation, eu égard aux outrages subis par le patrimoine architectural en quarante ans. |
Mon
intention n'est pas de faire le procès de la Révolution.
Il fallait parer aux objectifs prioritaires : éduquer les masses,
leur donner à manger, les loger, les soigner. On a déjà
dit tout ce qu'a apporté le régime castriste à une
population qui était méprisée et démunie. On
a dit aussi ce qu'est devenu le grand rêve socialiste à la
faveur de choix économiques désastreux. Ce n'est pas ici
notre propos. Ce qui est en jeu, c'est la conservation d'un patrimoine
historique sur lequel repose l'essence de l'âme de la ville.
Il ne s'agit pas de figer une ville dans son passé, de lui faire prendre la pose pour immortaliser sa gloire enfuie. Il s'agit de préserver les témoignages de la genèse d'une civilisation dont les clés peuvent aider à déchiffrer la réalité actuelle et à gérer l'avenir. Au-delà d'une ville, d'un pays, c'est le sort de notre civilisation qui est ici représenté. |