Exil
 
La principale préoccupation d'une partie de la population est de trouver une solution pour quitter le pays. Pour les femmes, le moyen le plus simple est d'épouser un étranger, et j'ai eu la surprise d'entendre une dame d'allure respectable et d'âge déjà mûr me demander le plus sérieusement du monde de montrer sa photo à mes collègues et connaissances dans le but de lui trouver un homme qui accepte de l'épouser et de la sortir de Cuba. Pour les hommes, les choses ne sont pas aussi évidentes. Il faut trouver un étranger qui accepte de vous inviter, vous fournisse le billet d'avion et s'engage à vous renvoyer dans votre pays à l'expiration du délai accordé. Tout cela coûte cher (la lettre d'invitation est un document officielle  qu'il faut payer mille cinq cents francs) et surtout cela engage la responsabilité de l'invitant qui risque d'avoir des ennuis si vous décidez de rester.  Pour les jeunes, c'est la seule façon de ne pas sombrer dans le désespoir et ne pas se résigner à perdre leur temps et leur jeunesse dans un pays qui ne leur offre aucune perspective d'avenir. Bien sûr, ils ne se rendent pas compte que l'adaptation sera difficile, voire impossible, s'ils ne disposent pas des connaissances et des facultés nécessaires pour s'intégrer à une civilisation différente, apprendre une langue nouvelle et acquérir des techniques inconnues. Ils refusent de prendre en compte l'importance du chômage et la rigidité des lois qui régissent le travail dans nos pays. Ils savent qu'ils sont prêts à tout pour s'en sortir et se figurent qu'ils leur suffira pour pouvoir vivre d'accepter les tâches rebutantes que refusent les hommes habitués à une vie plus facile.