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 Des pays d'Amérique latine demandent une enquête sur les droits de l'homme à Cuba

Une résolution doit être examinée la semaine prochaine par la commission des droits de l'homme de l'ONU, réunie à Genève
 
 

Le coup est dur pour Cuba, qui devrait être mis en cause la semaine prochaine, dans le cadre de la 58e session de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, à Genève. Après avoir été condamnée à trois reprises (1999, 2000, 2001) pour "la persistance de violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales", La Havane va être une nouvelle fois interpellée sur la nature dictatoriale de son régime.

Pis encore, si les condamnations passées ont été obtenues à l'initiative d'anciens pays du bloc soviétique (la Pologne et la République tchèque) signataires des résolutions, les Cubains vont être directement interrogés à la suite du dépôt, mercredi 10 avril, par l'Uruguay, d'une résolution soutenue par plusieurs pays d'Amérique latine, dont le Guatemala, le Costa Rica, l'Argentine, le Chili, l'Equateur et le Pérou, membres de cette commission. "C'est une trahison, a immédiatement déclaré l'ambassadeur cubain aux Nations Unies à Genève, Ivan Mora. Ils font le jeu des intérêts des Etats-Unis."

La proposition latino-américaine tient compte de l'inefficacité des trois résolutions précédentes. Dans la dernière, la Commission des droits de l'homme relevait que le gouvernement cubain n'avait pas "fait jusqu'ici de progrès satisfaisants" dans la protection des "droits de l'homme et des libertés fondamentales tels qu'ils sont énoncés dans la Charte des Nations unies et dans la Déclaration universelle des droits de l'homme."

UNE CRITIQUE DE L'EMBARGO

Ce constat d'impotence a conduit de nombreux pays à s'interroger sur l'opportunité d'une autre condamnation. Ainsi le Chili de Ricardo Lagos, membre de la commission cette année, a annoncé qu'il ne s'associerait pas au "rituel annuel de la commission" condamnant Cuba. Partant de ce constat, des diplomates latino-américains ont préparé un texte qui, selon le ministre des affaires étrangères péruvien, Diego Garcia Sayan, "explore des voies imaginatives". La force de la résolution déposée par l'Uruguay est d'être "consensuelle", selon un diplomate ; elle salue, même, les résultats obtenus par Cuba dans le domaine social magré "un environnement économique hostile", une critique à peine voilée de l'embargo des Etats-Unis contre Cuba.

"Nous n'allons pas juger Cuba, a déclaré pour sa part le chef de la diplomatie uruguayenne, Didier Opertti, nous voulons simplement que La Havane reçoive un représentant du Haut Commissariat pour les droits de l'homme de l'ONU et qu'il garantisse qu'il pourra faire son travail sans pressions." En ne se présentant pas comme une condamnation explicite de Cuba et de son régime, la résolution uruguayenne devrait obtenir un fort soutien, loin du résultat étriqué obtenu en 2001, où la résolution contre Cuba avait été adoptée par 22 voix, avec 20 contre et 10 abstentions. Parmi les onze pays d'Amérique latine et des caraïbes siégeant à la CDH, seul le Venezuela voterait contre la proposition latino-américaine et les autres devraient l'appuyer ou s'abstenir pour deux d'entre eux (Brésil, Mexique), qui n'ont pas encore rendu publique leur décision.

Pour les militants des droits de l'homme cubains, un vote sur Cuba à Genève est important et peu importe s'il n'est pas assorti d'une condamnation. "Toute la stratégie des autorités cubaines est d'étouffer au sein de l'ONU et de la communauté internationale toute manifestation de la réalité dans le pays", explique le cubain en exil et président du Parti pour les droits de l'homme à Cuba, Ricardo Bofill, qui suit à Genève les travaux préparatoires de la commission.

Le texte de la résolution demandant à la haut commissaire aux droits de l'homme, Mary Robinson, d'envoyer un représentant à La Havane pour vérifier dans quelle mesure les droits de l'homme sont respectés est évidemment inacceptable pour les Cubains, qui le rejetteront. Il est, selon eux, le fruit d'une manœuvre "du département d'Etat américain", comme l'a indiqué le ministre cubain des affaires étrangères, Felipe Pérez Roque, cité le 6 avril dans l'édition internationale de l'organe officiel du Parti communiste cubain, Granma. Cela étant, Cuba s'isolera un peu plus encore sur la scène internationale alors que le pays est en proie à de grandes difficultés en raison de la détérioration de la situation économique et sociale.

Alain Abellard


Rien dans le rapport de la FIDH

Les rédacteurs du rapport annuel 2001 Les défenseurs des droits de l'homme en première ligne, publié par la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), réussissent la performance de ne pas citer une seule fois Cuba. Interrogé sur cette absence, le secrétaire général de la FIDH, Claude Katz, nous a indiqué que son organisation "ne souhaitait pas en ce moment heurter le gouvernement cubain et ne pas compliquer le travail de la Commission cubaine des droits de l'homme et de réconciliation nationale (CCDRC) - dirigée par Elizardo Sanchez - qui a été affiliée par notre organisation en novembre 2001." L'organisation américaine Human Rights Watch a au contraire pris le parti de dénoncer les violations des droits de l'homme à Cuba (www.hrw.org).

Le Monde daté du 13.4.2002


 
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