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Un roman nostalgique et teigneux

Indice de materias

 

Zoé Valdès
La douleur du dollar
par André Clavel
 
Militante convaincue, la môme Cuca finit par rejeter le paradis rouge. Le roman nostalgique et teigneux de Zoé Valdés


 


La littérature cubaine d'aujourd'hui s'écrit en exil. Après Severo Sarduy, Reinaldo Arenas et tant d'autres indésirables, Zoé Valdés a été contrainte, elle aussi, de quitter La Havane. Mais son cœur n'en est pas parti, même si elle vit à Paris et publie ses romans à Barcelone. Des romans chevillés à son île natale, comme cette Douleur du dollar, qui a dépassé les 160 000 exemplaires en Espagne. L'érotisme y est torride et la colère y gronde, car c'est la lamentable histoire d'une révolution trahie que retrace Zoé Valdés. Son héroïne, la Môme Cuca, est une Cendrillon antillaise qui grandit dans la misère d'une lointaine cambrousse et décide, à 16 ans, de trimbaler son joli sourire Colgate jusqu'à La Havane, la ville sucrée aux nuits langoureuses: elle s'y nourrit d'illusions et, le temps d'un long baiser, s'entiche d'un marlou brillantiné qui lui fait un enfant. Puis s'empresse de l'abandonner en lui laissant un billet d'un dollar...
Pour se consoler, la Môme Cuca deviendra une pasionaria du castrisme naissant, boira à grandes gorgées l'eau croupie de la propagande communiste, assistera à la soviétisation de l'île: mais cette Mère Courage finira par découvrir les funestes coulisses du paradis rouge. La révolution? «Une destruction implacable», dira- t-elle avant de dresser l'inventaire d'un monde ravagé par «les griffes de la démence». A travers sa confession - qui s'arrête au mitan des années 90 - l'auteur du Néant quotidien raconte le naufrage d'une génération sacrifiée. Entre fusillades et carnavals, rires et larmes, dans une ville aimée, tragiquement perdue.
La gouaille populiste de Zoé Valdés s'enlise parfois dans d'inutiles méandres, mais elle n'a pas son pareil pour ressusciter la douce nonchalance du temps jadis, quand La Havane dansait le boléro à l'ombre des palmiers. Reste la nostalgie, et ce roman-témoignage: une pavane pour une cité défunte.

La Douleur du dollar, par Zoé Valdés. Trad. par Liliane Hasson. Actes Sud, 345 p., 128 F.