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Le redressement de la production sucrière et le développement
accéléré du secteur touristique ont dynamisé
la croissance, qui a dépassé 5 % en 1999, en net progrès
par rapport à l’année précédente (+1,2 %).
Cette embellie n’a pas empêché la situation financière
de l’île de rester très tendue, en raison du déficit
structurel de la balance commerciale, aggravé au deuxième
semestre par la hausse des prix du pétrole.
Sur le plan politique, le durcissement visant tant la délinquance que la dissidence a remis en cause les succès diplomatiques engrangés par le régime castriste après la visite du pape en janvier 1998. La condamnation, en mars, de quatre dissidents emblématiques accusés de sédition a provoqué de vives réactions du Canada et des pays européens, les principaux partenaires commerciaux de Cuba. Après le revers essuyé devant la commission des Droits de l’homme des Nations unies, qui a dénoncé " la poursuite de la répression " dans l’île, Fidel Castro a limogé son ministre des Affaires étrangères, Roberto Robaina, nommant à ce poste l’un de ses plus proches conseillers, Felipe Pérez Roque. La production sucrière a augmenté de plus de 500 000 tonnes par rapport à la récolte catastrophique de 1998, atteignant 3,76 millions de tonnes en 1999. De gros efforts ont été engagés pour améliorer la productivité du secteur sucrier, qui emploie près de 500 000 personnes. Malgré la réduction des coûts de production, les recettes d'exportation du sucre (300 millions de dollars, soit 1,8 milliard de francs) ont souffert de la baisse des cours mondiaux. Le tourisme a conforté son rôle de moteur de l'économie cubaine, apportant des recettes nettes en devises de près de 850 millions de dollars (5,2 milliards de francs). Au cours des cinq dernières années, le secteur touristique a progressé à un rythme annuel de 20 %, plaçant Cuba au quatrième rang des destinations dans le bassin des Caraïbes. Selon le vice-président, Carlos Lage, 50 % des produits et services consommés par les touristes sont d'origine locale. Accusés de malversation, plusieurs cadres supérieurs du secteur touristique ont été limogés en juin. Ce coup de balai a été suivi de la nomination d'un nouveau ministre du tourisme, Ibrahim Ferradaz, qui détenait le portefeuille des investissements étrangers. La production de pétrole et de gaz a sensiblement augmenté. Selon les prévisions officielles, elle dépassera 3 millions de tonnes en 2000 et permettra de couvrir 70 % des besoins de combustible des centrales électriques. L'agriculture, hors production sucrière, est restée à la traîne. Les cultures bananières et rizicoles, qui fournissent la base de l'alimentation cubaine ont souffert de la sécheresse. La dépendance alimentaire de Cuba a continué de peser lourdement sur la balance commerciale. Les importations alimentaires ont atteint 900 millions de dollars (5,5 milliards de francs), un important débouché qui suscite la convoitise des fermiers nord-américains. Durant toute l'année, des délégations américaines de haut niveau se sont succédé à La Havane. Les pressions des agriculteurs et des milieux d'affaires n'ont toujours pas permis de lever l'embargo imposé par les États-Unis en raison de l'influence du lobby cubano-américain, opposé à la levée des sanctions, et de l'importance électorale de la Floride, où les exilés cubains sont concentrés. Deux sociétés européennes ayant des intérêts à Cuba, l'espagnole Sol-Melià et la française Pernod-Ricard ont été menacées de poursuites par l'administration américaine au titre de la loi Helms-Burton, qui a donné un caractère extraterritorial à l'embargo. Les échanges sportifs et culturels entre Cuba et les États-Unis se sont cependant développés. Pour la première fois depuis les débuts de la Révolution, un match de base-ball a opposé les meilleurs joueurs cubains à l'équipe professionnelle américaine, les Orioles, de Baltimore. La coopération entre Washington et La Havane s'est intensifiée dans la lutte contre le trafic de drogue et la contrebande d'immigration clandestine. L'assainissement des finances domestiques a renforcé la valeur du peso. Le taux de change par rapport au dollar est passé de 150 pesos, il y a cinq ans à 22 en 1999. Les subventions aux entreprises d'État ont été réduites de 18 % et les salariés des secteurs de l'éducation et de la santé ont bénéficié d'une augmentation salariale de 30 %. Mais le financement du déficit de la balance des paiements demeure le talon d'Achille de l'économie cubaine. Privée d'accès aux financements multilatéraux, l'île est contrainte de recourir à de coûteux crédits bancaires à court terme. Plusieurs fournisseurs étrangers se sont plaints de l'allongement des délais de paiement. Selon le vice-président Carlos Lage, le surcoût financier résultant de l'embargo américain représente près de 800 millions de dollars (4,9 milliards de francs) en année pleine. Alors que la dette extérieure atteint 11 milliards de dollars (66 milliards de francs), sans compter les créances de la Russie, Cuba a renoué le dialogue avec le Club de Paris pour tenter de se réinsérer dans la communauté financière internationale. Jean-Michel Caroit (Bilan du Monde, édition 2000; S.A. Le Monde) |