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Ce peuple s'ennuie.
Il manque d'argent pour se distraire et, de toutes façons, les divertissements
sont rares. Quant au travail, à quoi
bon faire des efforts, si l'État empêche toute réussite
personnelle et persécute toute personne qui cherche à améliorer
sa situation. Le nivellement se fait par le bas et ce sont l'envie et la
jalousie qui guident les masses. Alors on laisse s'écouler les heures,
on regarde passer le temps, sous une chaleur accablante ou sous une pluie
diluvienne, qu'importe, puisque, quoi qu'il en soit, il n'y a rien à
faire.
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Pour oublier, pour
chasser la monotonie de ces jours qui se ressemblent, pour ne pas voir
que le temps s'enfuit et qu'il n'y a pas d'avenir, certains boivent. Le
rhum est doux et bon marché, il se boit sans difficulté.
Il rend les uns gais et les autres querelleurs. Pour tous (et pour toutes,
car même les femmes boivent), les lendemains seront difficiles, mais
à chaque jour suffit sa peine. Comme le chante Compay Segundo "la
juma de ayer ya se me pasó..." * .
* "La cuite d'hier est bien finie... celle-ci, c'en est une autre" |
Il y a aussi la bière, qui est bonne, bien que faiblement alcoolisée (en raison du climat, sans doute). Pour que tout le monde en profite et que personne ne se plaigne du Régime, il y a le "termo", une citerne que l'on remplit de bière bon marché et qui vient s'installer dans les quartiers populaires, aux portes des maisons. Les récipients circulent et tout le monde boit au même gobelet, famille ou, étrangers, amis ou inconnus. Un peu de musique tonitruante, et c'est la fête jusqu'à une heure avancée de la nuit. "Panem et circenses". |