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 "Looking for Chano" : Jérôme Savary invite sur scène un Cuba d'Epinal
 
 La vie du percussionniste Chano Pozo racontée en musique à grands renforts de clichés.

 

Looking for Chano, spectacle musical de Jérôme Savary (espagnol, surtitré en français). Musique de Anga Diaz et Allen Hoist. Le 8 juin. Avec Allen Hoist, Miguel "Anga" Diaz, Gretel Pequeno, Juana "La Cubana" Bacallao.
Opéra-comique, place Boïeldieu, Paris-2e. Métro Richelieu-Drouot. Tél. : 08-25-00-00-58. Du mardi au vendredi, à 20 heures ; samedi, à 21 heures ; dimanche, à 16 h 30. De 7 € à 50 €. Durée : 1 h 30. Jusqu'au 29 juin. Puis le 4 juillet à Carcassonne et le 7 à Vienne (Jazz à Vienne).

 

En 1998, Jérôme Savary présentait à Chaillot un Bourgeois gentilhomme mitonné à La Havane, avec des acteurs, des musiciens et danseurs cubains. C'était débridé, un brin provocateur, léger, excessif, pas toujours de bon goût, c'était du Savary. C'était aussi exotique et dans l'air du temps, Cuba étant très "tendance" depuis le milieu des années 1990.

Désormais à la tête de l'Opéra-Comique, Jérôme Savary présente Chano, sa nouvelle gourmandise cubaine. Le héros se nomme Chano Pozo, légendaire percussionniste cubain, mort criblé de balles à 33 ans dans un bar de Harlem en 1948. Avant que le rideau ne s'ouvre, le metteur en scène franco-argentin s'improvise pédagogue. Il rappelle en quelques phrases l'existence courte mais exemplaire de ce chanteur et musicien cubain noir, parti un jour de 1947 pour New York où le trompettiste Dizzy Gillespie l'intègre dans son orchestre. De cette collaboration fertile naîtront quelques-uns des thèmes fétiches du cu-bop (mélange de musique cubaine et de be-bop) tels Cubana-Be, Cubana-Bop ou Manteca.

Place au spectacle. Une succession de tableaux colorés, un défilé d'allusions énormes, d'ambiguïtés, de clichés difficiles à digérer, même en s'essayant à une lecture au second degré. Les musiciens rêvent tous de l'Amérique, un producteur étranger en quête de vieux talents déboule en side-car (pique ironique à l'adresse de Wim Wenders), les filles se battent, encouragées par les hommes ("Montrez que la femme cubaine a du tempérament") et se prostituent quand tout va mal.

La musique domine sur les dialogues, dont la traduction française défile sur un écran. Sur scène, un groupe de musiciens exemplaires (avec notamment le pianiste Alfredo Rodriguez), emmenés par le saxophoniste Allen Hoist et le conguero virtuose Anga Diaz. Ils jouent parfaitement mais sans se laisser aller à l'éloquence festive dont on les sait capables.

Le public, davantage sensible aux danseuses du Ballet Teatro America de La Havane qu'au talent des musiciens et des chanteurs, est trop sage. Des applaudissements polis ponctuent chaque solo et la salle s'ébroue seulement quand le groupe reprend quelques mesures de Chan Chan, succès de Compay Segundo.

D'une cour d'immeuble au cabaret Tropicana de La Havane puis à New York et au Rio Café où les balles l'ont fauché, la vie de Chano Pozo est exposée à grands traits. Pour mieux connaître son parcours, on pourra se reporter à l'imposant livret du coffret de 3 CD qui lui est consacré, El tambor de Cuba (Tumbao / Night & Day).

Patrick Labesse

Le Monde daté du 16 juin 2002


 
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