Le malaise de Fidel Castro relance les spéculations
sur son état de santé
LE MONDE | 25.06.01 | 15h43
SAINT-DOMINGUE de notre correspondant
Pour la première fois depuis qu'il a pris le pouvoir, en 1959, le président
cubain, Fidel Castro, a été victime d'un malaise en public, samedi 23 juin.
Qualifiée "d'accès de fatigue"par la presse officielle
cubaine, cette brève indisposition a relancé les spéculations sur la santé
du leader cubain, qui fêtera ses soixante-quinze ans le 13 août, et sur
la transition dans l'île. Face aux caméras de la télévision qui
retransmettait le meeting en direct, sous un soleil de plomb, Fidel Castro
haranguait depuis deux heures plus de soixante mille personnes réunies à
Cotorro, dans la banlieue de La Havane, dénonçant la récente
condamnation par un tribunal américain de cinq Cubains accusés d'espionnage.
Engoncé dans son uniforme vert olive malgré la chaleur étouffante, le
leader cubain, visiblement irrité, dressait la liste des attaques lancées
contre son pays par la "mafia contre-révolutionnaire" (les exilés de
Miami) depuis le territoire américain, lorsque sa voix s'est entrecoupée et
qu'il a dû interrompre son discours, s'affaissant légèrement sur le podium.
Immédiatement secouru par ses gardes du corps, il a été emmené dans une
ambulance et placé sous un masque à oxygène. Alors que les caméras de télévision
hésitaient entre les visages consternés de l'assistance et des images du
drapeau cubain ou du ciel, le jeune ministre des affaires étrangères, Felipe Pérez
Roque, entouré de plusieurs "commandants de la révolution", prenait
le micro pour lancer un appel au calme, expliquant que "le compañero
Fidel avait été victime d'une baisse de tension momentanée en raison de la
chaleur et de ses efforts surhumains".
"C'ÉTAIT UNE RÉPÉTITION"
Au bout d'une dizaine de minutes, Fidel Castro a réapparu pour annoncer à
la foule qu'il terminerait son discours à la télévision, dans la soirée.
Depuis le studio de télévision climatisé, en présence de son frère Raul,
il a plaisanté sur son indisposition de la mi-journée et s'est excusé d'avoir
alarmé ses concitoyens. "C'était une répétition, on pourrait dire
que j'ai fait le mort pour voir quel enterrement on me prépare",
a-t-il lancé sur un ton guilleret, expliquant qu'il n'avait pas dormi durant la
nuit de vendredi à samedi, afin de réunir des documents pour préparer son
discours.
La nouvelle a été accueillie avec joie à Miami, où les exilés espèrent
que la disparition de Fidel Castro provoquera un changement politique dans l'île.
"La mauvaise santé de Castro est une bonne nouvelle pour l'exil cubain.
Pourvu que ça soit plus sérieux que ça n'en a l'air", commentait
Ileana Ros-Lehtinen, une républicaine d'origine cubaine qui siège à la
Chambre des représentants. Récurrentes depuis les années 1980, les spéculations
et les rumeurs sur l'état de santé de Fidel Castro occupent à nouveau les
programmes de la Cubanisima et des autres stations de radio en espagnol de la métropole
de Floride. Cancer au poumon ou à la prostate, maladie de Parkinson ou embolie
cérébrale, les diagnostics circulant dans l'exil n'ont jamais été confirmés,
alors que l'état de santé de Fidel Castro est un secret d'Etat.
A Cuba, l'organe de la jeunesse communiste, le journal Juventud rebelde,
n'a pas caché "l'angoisse et la douleur intenses qui ont saisi l'île"
à l'occasion du malaise présidentiel. Fidel Castro occupe une telle place
depuis plus de quarante ans que la perspective de sa disparition génère un
sentiment d'incertitude dans la population. Son frère Raul, qui est âgé de
soixante-dix ans et passe pour le dauphin, a récemment évoqué ce sujet, tabou
jusqu'à une époque récente, affirmant (Le Monde du 25 mai) que le
socialisme survivrait à la mort de Fidel Castro.
Jean-Michel Caroit
Le Monde daté du 26 juin 2001
Droits de reproduction et de diffusion
réservés; © Le Monde
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence
de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions. Lire la
Licence.
|
|