ALINA PERERA ROBBIO est journaliste à Juventud Rebelde, le quotidien
du Parti communiste cubain destiné à la jeunesse. Elle publie, dans l'édition
du dimanche 13 mai, un entretien avec le numéro deux du régime, Raul
Castro, frère cadet du président cubain, Fidel Castro. Son récit emprunte également
la forme d'un récit personnel, voire d'une réflexion sur le travail de
journaliste. Elle dit l'émotion qui l'étreint à l'instant où elle aborde le
général et ministre des Forces armées révolutionnaires (FAR). "Puis-je
vous poser une question ?", ose-t-elle sans beaucoup d'espoir,
alors qu'elle se trouve face à lui. "J'étais quasi convaincue que mon
interlocuteur ne disposerait pas de temps", écrit-elle, en ajoutant
que "le journaliste qui aime et respecte sa profession ne doit jamais
s'autocensurer, ne doit jamais se dire non à lui-même".
Elle décrit le peu médiatique Raul Castro comme un homme chaleureux qui, en
réponse à sa question, "comme un père, me tendit son bras droit
par-dessus l'épaule", entamant, tout en marchant "sans but
fixe", une conversation dont la forme lui rappelle "la méthode
des pédagogues de l'Antiquité", qui transmettaient à leurs disciples
"les maximes de la vie tout en marchant dans les jardins tranquilles des
écoles".
Elle parcourt ainsi les rues de Ciego de Avila où son illustre interlocuteur
participait à une réunion de la jeunesse communiste de la région, "sous
le soleil brûlant de la mi- journée". Raul parle doucement, salue les
gens qu'ils croisent, explique-t-elle, "sans cesser de la protéger avec
son bras droit", lui faisant oublier "la tension naturelle qui
touche tout un chacun dans des circonstances comme celles-là". Elle
lui demande quelle impression il a de la jeunesse cubaine. "C'est la même
que celle de notre commandant en chef et de notre parti", lui dit le
deuxième secrétaire du Parti communiste et premier vice-président du conseil
d'Etat et du conseil des ministres. "Nous ressentons pour elle,
poursuit-il, une grande admiration (...), en particulier pour son
avant-garde, la Jeunesse communiste, qui a tout le temps été liée à la révolution."
Après avoir rappelé que sa génération a lutté depuis maintenant presque
un demi-siècle, Raul Castro insiste sur la grande importance qu'il
accorde ainsi que tous les dirigeants cubains à la jeunesse "à son
fonctionnement, à sa vie interne, à sa croissance constante",
rappelant que, chaque fois qu'il y a eu des carences dans son organisation, "peu
de temps après cela s'est répercuté dans le parti, et nous en avons tous payé
les conséquences".
"L'ÉTERNITÉ N'EST PAS POSSIBLE"
Reconnaissant que les dix dernières années ont été difficiles, Raul
Castro assure qu'il y a "encore des problèmes et il y en aura
toujours", mais que ce qui importe aujourd'hui, c'est la continuité de
la révolution. "L'ennemi utilise comme argument l'ère post-Castro, espérant
que, quand Fidel avec son magnétisme et son indiscutable leadership ne sera
plus là, cela deviendra un problème pour la continuité de la Révolution.
Qu'en pensez-vous ?", lui demande Alina.
"Il n'y aura aucun problème", assure-t-il. "Nous,
évidemment, nous voulons que Fidel vive encore longtemps. Mais l'éternité
n'est pas possible. (...) Dans notre cas, nous nous ne mourrons pas avec la
mort physique, nous vivrons ou nous mourrons selon ce qu'il adviendra de la Révolution.
Si elle meurt, nous mourrons. Si elle perdure, nous vivrons. (...) Le
reste n'est qu'affabulation de l'ennemi", lui explique-t-il, rassurant.
L'article se conclut ainsi par une apostrophe de Raul Castro à sa jeune
admiratrice : "Journaliste : comment terminerons-nous cette
conversation ? Combien de kilomètres avons-nous parcouru ? Je crois
que nous avons parlé un peu d'un certain nombre de choses. Tu ne crois pas ?"
Alain Abellard