Fidel Castro affirme le caractère
"immuable" du socialisme cubain
Avec la campagne nationale référendaire en faveur d'un amendement
constitutionnel qui affirme et rend "immuable" le caractère
socialiste du gouvernement cubain, lancée samedi 15 juin, l'île des Caraïbes
va vivre jusqu'à mardi au rythme des grandes mobilisations populaires.
Les autorités ont annoncé qu'elles espéraient recueillir 7 millions
de signatures, soit l'ensemble des électeurs (les citoyens âgés de plus de 16 ans)
sur les 11 millions d'habitants de l'île. Le résultat attendu, compte
tenu des conditions d'organisation du vote, est une approbation proche des 100 %,
dans le droit fil de "l'élan révolutionnaire" donné par un
Fidel Castro qui a été le premier, samedi, à signer cette résolution et qui
a affirmé à cette occasion que "le système impérialiste et le système
capitaliste ne seront jamais réinstaurés à Cuba".
La campagne lancée par Fidel Castro s'appuie sur la Constitution de 1976 qui
prévoit qu'une réforme partielle ou totale de la Constitution peut être décidée
par l'Assemblée nationale (le Parlement unicaméral cubain, dont les membres
sont désignés par le Parti communiste), sur demande directe des citoyens. Elle
a été présentée par le dirigeant cubain comme la suite logique des
manifestations de jeudi, où 9 millions de Cubains ont défilé dans tout
le pays, à l'invitation des autorités.
"Toutes ces mobilisations, a déclaré Fidel Castro, n'ont
pas d'autre motif que de répondre au discours de [George W]Bush",
qui, le 20 mai, lors d'un discours en Floride, a demandé aux dirigeants de
La Havane d'organiser des élections libres, de respecter les droits de
l'homme et d'entreprendre des réformes économiques pour obtenir la levée de
l'embargo économique mis en place par Washington.
LE PROJET VARELA
Si cette campagne référendaire est dirigée officiellement contre les
Etats-Unis, elle est avant tout une réponse au projet Varela, lancé par la
dissidence et qui, tout en s'appuyant sur la Constitution, vise à obtenir une
profonde réforme politique à Cuba. Après la visite, en mai, de l'ancien président
des Etats-Unis Jimmy Carter, qui a publiquement cité le projet, Fidel Castro
n'y a fait aucune allusion, mais les opposants cubains assurent qu'ils sont
directement visés par cette initiative. "Seule une conception réactionnaire
et despotique [du peut déclarer un gouvernement immuable, parce que le
peuple n'a pas la possibilité de le changer selon sa volonté", a déclaré
Oswaldo Paya, le principal promoteur du projet Varela, à la chaîne de télévision
CNN. Pour le dirigeant du Mouvement chrétien de libération (MCL), la
mobilisation décrétée par Fidel Castro est un "attentat contre la
patrie" qui "sera insupportable" parce que ce qui est "immuable,
c'est la liberté, c'est la personne, c'est la dignité humaine".
Le projet Varela pour lequel, selon la Constitution cubaine, 11 000
citoyens ont demandé que soit soumises à référendum des propositions légalisant
le droit d'association et d'expression, l'amnistie des prisonniers politiques,
la liberté d'entreprendre et l'organisation d'élections libres, ne va pas pour
autant disparaître, a déclaré Oswaldo Paya. "Le gouvernement a peur
de parler du projet, parce qu'il sait que si le peuple en prend connaissance, il
le voudra", a-t-il déclaré. "Le gouvernement prend la fuite,
mais il ne va pas pouvoir s'opposer à ce processus... Cuba est en train de
changer et ce changement vient du peuple. C'est pour cela qu'il ne va pas nous
arrêter", a-t-il ajouté.
Pour les observateurs, le gouvernement cubain cherche avec cette initiative
une réponse politique aux multiples problèmes internes que vit l'île
actuellement, en particulier dans le domaine économique, et dont témoignent
les décisions récentes, la hausse de 30 % des tarifs dans les magasins en
dollars et surtout la fermeture annoncée de plus du tiers des usines du secteur
sucrier, symbole de ce qui fut un secteur héroïque de l'économie cubaine.
Alain Abellard
Le Monde daté du 18 juin 2002
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