Dans sa dernière édition (4 janvier) le Guantanamo Bay Gazette, qui se
proclame fièrement comme
"la source pour des nouvelles locales et des
informations de la seule base navale de l'armée américaine sur un sol
communiste", se fait l'écho des déclarations du secrétaire d'Etat
à la défense, Donald Rumsfeld, annonçant, le 27 décembre, que la base
américaine située dans le sud-est de Cuba, en face de Haïti, pourrait
accueillir dans les prochains jours 300 prisonniers talibans ou du réseau
Al-Qaida, capturés en Afghanistan.
La photo de une du Guantanamo Bay Gazette montre, sur la moitié de sa
surface, un superbe barbelé qui, à plus de deux mètres de hauteur, déchire
le bleu cobalt du ciel de ce grand port naturel des Caraïbes.
La base de Guantanamo, cédée aux Etats-Unis par un traité en 1903, pour
une somme dérisoire, occupe 112 km2 et héberge en temps ordinaire 2700 militaires
(soit une communauté de 6000 personnes en comptant les familles et les
civils affectés). Elle vit en circuit fermé et possède son usine de
dessalement de l'eau. Depuis lundi, des renforts sont arrivés à Guantanamo
et certaines sources américaines, citées par le New York Times dans son édition
de lundi, indiquent qu'à terme 2000 prisonniers pourraient y être
transférés. Ce qui est certain, c'est que des travaux de construction et de
rénovation de bâtiments sont en cours.
L'avantage de Guantanamo, pour Washington, est sa parfaite inaccessibilité.
Seuls des personnels militaires peuvent y accéder ou s'en approcher. Aucun
risque que des civils, des groupes de pression ou de défense des droits de
l'homme ne viennent y perturber l'ordre en protestant contre l'existence de
tribunaux militaires, dont le principe a été retenu par les autorités américaines,
pour juger les responsables des attentats du 11 septembre. Interrogé sur
ce point, M. Rumsfeld a refusé d'indiquer si Guantanamo pourrait être
le siège d'un, ou de plusieurs, de ces tribunaux.
SOUTIEN À LA LUTTE ANTITERRORISTE
Si le régime castriste n'a jamais cessé de réclamer ce "territoire
usurpé" et se refuse, chaque année, à encaisser le "loyer"
versé par Washington, ses troupes n'ont jamais tenté la moindre action de
force, même au plus fort de la guerre froide et de la crise des missiles, en
octobre 1962. La presse cubaine, contrôlée par les autorités, a donné
l'information du transfert de prisonniers capturés en Afghanistan sous la
forme de simples dépêches d'agences. Aucun commentaire indigné, aucune
protestation n'ont encore été publiés sur le sujet. Quelques membres du
parlement cubain ont vaguement protesté avant d'être rappelés à l'ordre et
priés d'attendre que les autorités expriment la position officielle de La Havane.
En revanche, deux sénateurs américains, en visite à Cuba à la fin de la
semaine passée, ont assuré à l'issue de leur rencontre avec le chef de
l'Etat, Fidel Castro, que celui-ci ne devrait pas s'opposer à la décision
des Etats-Unis. Au contraire, ont-ils ajouté, les officiels cubains auraient
à cette occasion réaffirmé leur soutien dans la lutte antiterroriste menée
par Washington.
Pour le fondateur de Radio Marti, Ernesto Betancourt, interrogé par le
Miami Herald, Fidel Castro "veut rester discret et ne pas attirer
l'attention sur cette affaire de terrorisme international ou apparaître d'une
quelconque manière comme lié à Al-Qaida ou aux talibans". Cuba
fait effectivement partie (avec la Corée du Nord, l'Irak, l'Iran, la Libye,
la Syrie et le Soudan) de la liste des sept pays considérés par le département
d'Etat comme "soutenant le terrorisme international".
Alain Abellard