Mis à jour le dimanche 23 avril
2000
Repêché au large de la
Floride fin novembre alors qu'il dérivait accroché à
une chambre à air, le petit naufragé cubain Elian Gonzalez
a vécu depuis une saga aux confins de la tragédie grecque
et du rêve américain.
Parti de Cuba pour immigrer clandestinement,
Elian commence par perdre sa mère, noyée lors du naufrage
de l'embarcation qui devait leur permettre d'immigrer clandestinement aux
Etats-Unis.
Loin de son père, resté
à Cuba et dont sa mère avait divorcé, le petit garçon
de cinq ans se retrouve seul au monde. Il racontera plus tard qu'il a pu
survivre grâce à l'aide de dauphins, contribuant ainsi à
l'édification de sa légende. Ramené sur le sol américain
par deux pêcheurs d'origine cubaine, il est confié à
Lazaro Gonzalez, un grand-oncle de Miami qu'il connaît à peine.
Installé dans une modeste maison de la Petite Havane, le quartier
cubain de Miami, Elian se reconstruit peu à peu un nouvel univers,
avec pour centre la fille de Lazaro, Marisleysis, 21 ans, dont il partage
la chambre et qui se présente elle-même comme sa mère
de substitution. Inscrit dans un école privée, il fête
ses six ans en décembre. Peu de temps après, il réalise
le rêve de tout enfant américain en visitant Disneyworld,
le parc d'attractions de la multinationale des contes de fée à
Orlando (Floride).
S'il parle toujours espagnol, il a
appris quelques mots d'anglais, adore commander des pizzas et passe des
heures sur sa console de jeux Nintendo : le petit Cubain découvre
les plaisirs de la société de consommation américaine.
Elian est habillé des pieds à la tête comme un petit
Américain : casquette de base-ball vissée sur la crâne,
tee-shirts à l'effigie d'équipes sportives et tennis de marque.
L'uniforme obligatoire des écoles cubaines semble bien loin.
Mais le répit de l'enfant est
de courte durée : le débat sur son retour à Cuba,
qui est devenu l'objet d'une âpre bataille juridique, fait la une
des journaux télévisés, où il peut voir son
père exiger son retour sans conditions.
Par ailleurs, le petit Cubain doit
personnellement subir une couverture médiatique de plus en plus
intense : il est pourchassé par les photographes et les caméras
des télévisions qui ne se lassent pas de passer en boucle
des images le montrant sur son toboggan ou avec son téléphone
portable. Elian est de plus en plus reclus, surtout lorsque son grand-oncle
décide fin mars qu'il est plus sûr de le retirer de son école
pour lui faire suivre des cours à domicile.
Son histoire prend également
une tournure mystique, qui fait la joie des médias américains
en manque de sensations : son grand-oncle affirme que la Vierge est apparue
dans un miroir de la chambre d'Elian, qui avait lui-même dit avoir
été aidé par des dauphins lors de son naufrage.
Elian traverse enfin samedi une nouvelle
épreuve : enlevé de force en pleine nuit, il est embarqué
en larmes par des agents fédéraux masqués qui ont
mission de le rendre à son père. Quelques heures plus tard,
après cinq mois de séparation, Elian « riait avec
son petit frère (et) serrait son père dans ses bras »,
témoigne l'avocat de Juan Gonzalez, Gregory Craig. « Elian
est en bonne forme. C'est un garçon résistant ».
Gildas LE ROUX (AFP) |