La force du symbole n'échappera à personne : dix ans après la chute du mur, les anciens dissidents d'Europe centrale et d'URSS ont écrit aux bien actuels dissidents cubains pour leur exprimer leur solidarité. « Nous pensons que votre ardent désir de liberté pour Cuba sera exaucé un jour », peut-on lire au-dessus de la signature de personnalités aussi prestigieuses qu'Elena Bonner, Vaclav Havel, Petr Uhl, Jacek Kuron, Adam Michnik ou Lech Walesa. Ceux qui, très isolés à l'époque, se sont opposés avec leur seul courage au totalitarisme qui dominait alors leurs pays passent en quelque sorte le relais à leurs homologues cubains, eux aussi bien seuls jusqu'à présent dans leur combat pour le rétablissement de la démocratie dans la grande île caraïbe. Ils leur disent que les dictatures apparemment les plus solides peuvent tomber en l'espace, parfois, de quelques semaines.
Ce soutien extérieur, même s'il n'a guère de conséquences pratiques, est le bienvenu au moment où les dissidents cubains sont en butte à une nouvelle vague d'arrestations et d'intimidations en tous genres. Fidel Castro est décidé à ne permettre aucune contestation publique de son pouvoir pendant le neuvième sommet ibéro-américain. Une trentaine d'opposants ont été arrêtés ces derniers jours, a révélé Elizardo Sanchez, un ancien professeur emprisonné pendant huit ans, qui joue, depuis des années, le rôle d'un porte-parole officieux de l'ensemble des dissidents. La police cubaine joue au chat et à la souris avec ces derniers, appréhendant l'un et libérant l'autre, de façon à démoraliser le mouvement et à l'empêcher d'organiser une manifestation collective pendant le sommet.
Cette attitude très dure adoptée par les autorités cubaines montre que les espoirs suscités par la visite du pape en janvier 1998 n'ont pas été suivis d'effet. On peut même penser que Jean Paul II, loin de fendre l'épaisse cuirasse qui ceinture la vie publique à Cuba, n'a fait que la renforcer. Ce serait un bien triste paradoxe pour celui qui a joué un rôle aussi important dans l'ébranlement du système communiste en Europe, lequel a commencé dans son pays natal, la Pologne, largement sous son influence. Fidel Castro, qui avait craint un moment de perdre le contrôle de la situation, ne peut a posteriori que se féliciter du séjour de Jean Paul II. Il a prouvé, en tout cas, en faisant condamner quatre dissidents, Vladimiro Roca, Félix Bonné, René Gomez et Marta Beatriz Roque à de lourdes peines de prison en mars dernier, qu'il n'avait nullement l'intention d'assouplir la répression.
Plusieurs chefs d'Etat ou de gouvernement présents à La Havane, dont le premier ministre espagnol José Maria Aznar, ont annoncé leur intention de rencontrer les dissidents. Aucun diplomate français n'a cru bon d'adopter la même attitude. C'est dommage. Il serait temps que les Européens, longtemps très complaisants à l'égard de Fidel Castro, démontrent qu'ils n'ont pas deux poids deux mesures en matière de démocratie et de respect des libertés.