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Cuba : l'opposition obtient un soutien international avant le sommet ibéro-américain de La Havane

Des délégations étrangères ont rencontré les dirigeants de la dissidence
Le gouvernement cubain a démenti, dimanche 14 novembre, avoir lancé une vague de répression contre les opposants, tout en confirmant l'arrestation de quinze dissidents accusés de vouloir « saboter » le IXe sommet ibéro-américain, qui s'ouvre lundi à La Havane. Des membres de l'opposition cubaine ont rencontré, dimanche, plusieurs délégations étrangères (Nicaragua, Costa Rica, Portugal et Mexique).
Jean-Michel Caroit mailto:interactif@lemonde.fr?subject=Cuba : l'opposition obtient un soutien international avant le sommet ibéro-américain de La Havane
Mis à jour le jeudi 18 novembre 1999

LA HAVANE de notre envoyé spécial

A la veille du IXe sommet ibéro-américain, qui s'ouvre lundi 15 novembre à La Havane, les autorités cubaines ont nié avoir déclenché une vague de répression contre les dissidents. « Cette prétendue vague de répression n'existe pas. Elle n'est pas nécessaire car le peuple est le gardien de la révolution », a affirmé le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Alejandro Gonzalez. Il a cependant reconnu l'arrestation « d'environ quinze personnes » qui, a-t-il dit, « sont l'objet d'enquêtes en relation avec des tentatives de sabotage du sommet ». « Il a été nécessaire de prendre quelques mesures préventives à l'encontre de certains personnages impliqués dans des désordres et des provocations », a ajouté le porte-parole. Quelques heures plus tôt, le président de la Commission cubaine des droits de l'homme et pour la réconciliation nationale (CCDHRN), Elizardo Sanchez, estimait qu'une trentaine d'opposants arrêtés au cours des derniers jours étaient toujours sous les verrous.

A peine arrivé dans la capitale cubaine, le ministre nicaraguayen des affaires étrangères, Eduardo Montealegre, a reçu une délégation de dissidents. En raison de ses désaccords politiques avec Fidel Castro, le président du Nicaragua, Arnoldo Aleman, est l'un des cinq présidents qui ont refusé de se rendre à La Havane. « Il s'agit d'un message clair d'appui à nos efforts de changement pacifique », soulignait Elizardo Sanchez, l'un des membres de la délégation, à sa sortie de l'ambassade du Nicaragua.

  « TOUS UNIS »

A plusieurs reprises, les autorités cubaines ont garanti « du temps libre et l'entière liberté de mouvement » aux délégations étrangères. Les représentants d'au moins six pays, dont le président du gouvernement espagnol José Maria Aznar et le premier ministre du Portugal Antonio Guterres, doivent rencontrer des dirigeants de l'opposition cubaine.

Les dissidents ont annoncé qu'ils remettraient aux chefs de délégations étrangères un document intitulé « Tous unis », qui réclame la fin de l'embargo américain et une ouverture démocratique à Cuba. Adopté lors du conclave de l'opposition qui avait été toléré par les autorités vendredi dernier à Boyeros, dans la grande banlieue de La Havane, ce document demande que « le peuple cubain soit consulté dans les urnes. » Il prône « la réconciliation entre Cubains » et revendique « la libre expression, la liberté de conscience et de religion, la liberté d'association et le pluralisme politique. »

Samedi, le jeune ministre cubain des affaires étrangères, Felipe Pérez Roque, avait convoqué une conférence de presse pour présenter une lettre de la secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright « illustrant les efforts désespérés des Etats-Unis pour tenter de boycotter le sommet ibéro-américain. » Dans cette lettre adressée à un groupe de présidents latino-américains, Madeleine Albright demandait à chaque chef de délégation de « se réunir ouvertement et publiquement avec des organisations religieuses, politiques et de défense des droits de l'homme. »

Rappelant que les pays ibéro-américains s'étaient engagés à « développer des politiques pluralistes et à protéger les droits de l'homme » dans la déclaration qu'ils avaient adoptée en 1996 à Viña del Mar, au Chili, Madeleine Albright ajoutait dans sa lettre transmise aux autorités cubaines par des « mains amies » : « Ces principes sont ignorés par le gouvernement hôte du prochain sommet, qui est, ironiquement, le seul dictatorial du forum de coopération ibéro-américain. »

Qualifiant cette missive de « manifestation éhontée d'ingérence », Felipe Pérez Roque avait profité de l'occasion pour repartir en guerre contre les dissidents « instruments et créatures des Etats-Unis, qui tentent de saboter le sommet. »

Pour le régime castriste, la tenue du sommet ibéro-américain à La Havane est déjà un important succès diplomatique face à la volonté américaine d'isoler Cuba. Vêtu de son uniforme vert olive, Fidel Castro ne cachait pas sa satisfaction de recevoir le roi d'Espagne Juan Carlos, dimanche soir à l'aéroport de La Havane. Cuba est le seul pays latino-américain où le souverain espagnol ne s'était jamais rendu. Même si elle est officiellement qualifiée de « privée », la visite du couple royal a une dimension affective et symbolique que les autorités cubaines ne manqueront pas de souligner.

  Jean-Michel Caroit


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